Le Numérique Responsable - Episode 3
La gestion durable du parc informatique des PME Wallonnes
Bonjour Anne-Sophie,
Je suis ravi de te rencontrer car sur base des informations reçues d’Aurélien Troonbeeckx de Startit@CBC, la société que tu as créée s’inscrit parfaitement dans la thématique de mes articles 2023 qui tentent de regrouper le digital et la durabilité.
Peux-tu commencer par te présenter et nous dire quelles ont été les motivations qui t’ont animée pour créer ta société?
Anne-Sophie Aberi-Moska: "Merci Fabian pour l’opportunité de pouvoir aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur, celui du numérique responsable, qui est la raison d’être de l’entreprise que j’ai co-créée il y a maintenant 3 ans.
Ingénieure civile de formation, j’ai choisi à la fin de mes études à l’ULiège de faire carrière dans l’informatique, d’abord dans le développement de progiciels pour le secteur financier, et ensuite dans des sujets plus techniques concernant l’infrastructure informatique.
Durant chacune de mes expériences professionnelles, j’ai pu à un moment ou un autre ressentir des frustrations par rapport au désir d’avoir un impact réel sur le terrain et dans la vie des personnes et de pouvoir travailler à une alternative plus soutenable pour la digitalisation, qui s’accélère de plus en plus. Selon des paroles prêtées à Einstein, 'La folie, c’est faire la même chose, et s’attendre à des résultats différents'. Nous avons ainsi voulu désirer et oser un autre possible: 'Vivre l’IT autrement'.
Pour agir sur le terrain et avoir selon moi un des plus grands leviers d’impact, la cible des PME s’est imposée comme une évidence: elles constituent en effet la 1ère force économique mondiale et plus de 90% du tissu économique. Embarquer les PME dans le train d’une digitalisation plus humaine, plus durable, plus responsable et qui profite à tous et particulièrement à notre planète, telle est notre ambition.
C’est ainsi qu’Externaliz-IT est née en mars 2020, afin de permettre aux PME de nous confier la gestion de leur environnement informatique (ordinateurs, imprimantes, tablettes, mais aussi réseau, téléphonie, etc.) avec la vision de le rendre plus soutenable et plus juste pour la planète et les humains que nous sommes."
Lancer sa société au début de la crise sanitaire n’a certainement pas été simple, comment avez-vous évolué depuis 3 ans?
Anne-Sophie: "À notre plus grande - et agréable - surprise, la crise sanitaire s’est révélée être pour nous une opportunité incroyable, car, du jour au lendemain, avec la contrainte de devoir travailler à distance, les défis numériques liés au télétravail ont fait passer la digitalisation du statut de 'service annexe' à 'stratégie indispensable'.
Et cela a également je pense fortement contribué à engendrer un désir d’un 'Vivre l’IT autrement' qui s’inscrit dans la prise de conscience d’une volonté d’évoluer vers une société plus humaine et plus inclusive.
Ces 3 premières années nous ont permis d’affiner chaque jour un peu plus notre identité, notre mission et nos aspirations.
Et cela, avec les premiers clients qui ont fait le pari de nous faire confiance, les partenaires qui nous ont rejoints, et nos précieux collaborateurs qui ont embarqué avec nous dans cette aventure.
'Seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin'. C’est animé de cette pensée qu’avec eux tous, nous avons travaillé - et continuons encore - de co-construire notre rêve, celui d’un écosystème vertueux du digital, avec un impact réel dans le quotidien de chacun et de celui de notre société."
Nous avons ainsi par exemple commencé à proposer aux PME de notre réseau (clients ou non) de récupérer leur matériel en fin de vie (pour eux, mais pas pour nous), pour lui donner une seconde vie et en faire bénéficier des associations.
Anne-Sophie Aberi-Moska, co-fondatrice de Externaliz-IT
L’épisode 2 du Numérique Responsable abordait, avec Olivier Vergeynst de l’institut du Numérique Responsable, l’importance d’accorder une seconde vie au matériel. Ce que tu abordes là est finalement la même réflexion. Comment vous organisez-vous et surtout qui opère ce recyclage?
Anne-Sophie: "Conscients de l’empreinte écologique énorme dans le processus de fabrication du matériel, nous travaillons en amont sur ce qui peut favoriser l’extension de la durée de vie du matériel informatique. Ainsi, travailler avec la PME à une politique de renouvellement du matériel qui passe de 4 à 6 ou 7 ans est déjà un levier important. Et, pour rendre cela possible, nous travaillons à développer des solutions permettant non seulement le monitoring de paramètres clés qui influencent la durée de vie, comme la consommation de ressource, l’alimentation (par exemple, extinction automatique à la fin de la journée de travail), le stockage, etc. mais aussi à la mise en place de maintenances avancées sur les composants électroniques du matériel, ce qui permet de pouvoir prolonger les performances au-delà des standards communément admis 'd’obsolescence'.
Ensuite, en aval, c’est-à-dire en fin de vie, nous récupérons le matériel afin de pouvoir le reconditionner et lui redonner une seconde vie, soit en effectuant le reconditionnement nous-mêmes via des standards stricts, ou via des partenaires clés qui partagent les mêmes valeurs que nous. Les volumes de matériel grandissant chaque jour de plus en plus, nous ressentons la nécessité de continuer à structurer la chaîne de reconditionnement pour la rendre plus efficace et avoir un impact local en redistribuant ensuite autour de nous, proche de chez nous.
Nous avons ainsi par exemple choisi de soutenir Transit’Insert, une ASBL active dans la réinsertion d’ex-détenus, via des dons de matériel pour ses bénéficiaires, ce qui contribue de manière réelle à réduire la fracture numérique pour une population souvent précarisée."
Toutes ces valeurs que tu nous partages sont proches de celles mises en avant justement par Olivier. Le connais-tu?
Anne-Sophie: "Oui, tout à fait, nous avons eu l’occasion d’échanger sur le sujet et sommes récemment devenus membres de l’Institut du Numérique Responsable Belge (ISIT) et avons signé la Charte du Numérique il y a quelques mois. Cela s’inscrit dans notre volonté de faire partie d’un écosystème avec qui on partage les mêmes valeurs, et avec qui nous pouvons discuter, partager et échanger nos expertises.
Cela présume aussi de notre engagement, car devenir membre s’accompagne d’un ensemble d’actions que l’on planifie au sein de son organisation pour s’inscrire dans une démarche visant chaque jour un peu plus à entrer dans une démarche de 'sobriété numérique', que l’on aspire à rendre joyeuse, gratifiante et désirable par tous et pour tous.
Notre adhésion à l’ISIT nous donne ainsi accès à de multiples ressources pour accompagner nos actions, comme par exemple des formations pour renforcer nos compétences en la matière, et plusieurs groupes de travail afin de faire progresser certaines thématiques comme l’architecture d’un système informatique durable, ou encore l’éco-conception et la mesure de l’empreinte écologique d’un système informatique."
Ces belles valeurs responsables vous donnent certainement l’occasion de rencontrer d’autres entreprises qui partagent ou veulent partager les mêmes que vous. Comment aujourd’hui une petite entreprise wallonne peut-elle rayonner et se faire connaître car on sent de plus en plus que les jeunes entrepreneurs prennent davantage conscience de l’impact que leurs idées peuvent avoir sur l’avenir de l’environnement, l’avenir social ou sociétal?
Anne-Sophie: "Nous avons rejoint il y a presque deux ans maintenant une coopérative d’entrepreneurs engagés pour l’impact, la Smala. Faire partie d’un réseau résolument engagé dans son désir d’entreprendre autrement, avec la considération de l’humain, la planète et la profitabilité réelle pour tous, nous permet de fédérer et faire rayonner notre message.
Aujourd’hui, nous avons encore des défis en termes de communication de ce que l’on fait, et on y travaille!
Actuellement, nos clients se répartissent dans la Wallonie et à Bruxelles, et plusieurs secteurs sont représentés, tant la construction, que l’agro-alimentaire, ou encore le secteur pharmaceutique et les sociétés de service.
Nous travaillons actuellement à l’amélioration de notre check-up IT, qui pour le moment est offert à chaque PME désireuse de faire un rapide diagnostic sur son environnement informatique, pour y intégrer la mesure de l’impact écologique et faire apparaître les pistes d’action.
En effet, si nous parvenons à fédérer notre message, et embarquer le plus de PMEs possibles dans une démarche de numérique responsable, en tant qu’écosystème, nous pourrons alors réellement avoir de l’impact et avoir un effet levier important, en diminuant collectivement notre empreinte écologique et en contribuant à une société plus soutenable et désirable pour les générations futures."
On parlait en introduction de StartIt@CBC, comment t’es-tu retrouvée dans ce programme? Je pense que vous venez de terminer cette 1ère année d’accompagnement… qu’as-tu retenu de cette première année?
Anne-Sophie: "Dans le cadre du démarrage de nos activités, nous avons ressenti le besoin d’être accompagnés dans nos premiers pas, notamment pour affiner notre proposition de valeur, et amorcer la transition vers un modèle plus 'scalable'."
C’est ainsi que notre participation à StartIt@CBC s’est imposée comme une évidence. Et nous en avons retiré tellement plus que ce à quoi nous nous attendions.
Anne-Sophie Aberi-Moska, co-fondatrice de Externaliz-IT
"Grâce au coaching d’Aurélien, 'Hard on facts, soft on people', nous avons réellement pu aiguiser notre positionnement et travailler concrètement à la validation de nos hypothèses et la structuration de notre évolution.
Durant le programme, nous avons été mis en contact avec des expertises déterminantes pour nous, et pouvoir échanger avec des pairs n’a pas de prix.
Nous en ressortons grandis, nourris et mieux structurés. Je ne peux que recommander ce programme à toute start-up désireuse de grandir et d’être accompagnée dans son démarrage."
J’aimerais terminer en te demandant comment on fait sa place en tant qu’entrepreneuse? Es-tu également liée à un réseau de femmes dirigeantes d’entreprises?
Anne-Sophie: "Ce n’est pas simple tous les jours, mais je dirais que le plus important est de persévérer, de bien s’entourer et de profiter des opportunités qui permettent de se développer, tant comme jeune, femme et aussi en tant que afro-descendante.
Actuellement, je fais partie du réseau 'Belgium’s 40 under 40' qui a pour vocation d’accélérer le leadership et l’impact sociétal de jeunes de moins de 40 ans, en veillant à une représentativité de la diversité plurielle. Ce programme a un impact profond et réel dans mon devenir en tant que personne, entrepreneuse à impact et citoyenne du monde.
Dans ce cadre, nous avons également l’opportunité de faire partie d’un réseau de femmes inspirantes, le Club L, que j’envisage de rejoindre très prochainement."
Anne-Sophie, je te remercie pour cette interview très enrichissante tant d’un point de vue humain que d’un point de vue entrepreneurial. Je te souhaite bon succès dans la suite de tes activités et te félicite pour toutes les valeurs que tu respectes au quotidien dans ton business.