Pension: vos préoccupations, on en parle?

Des semaines durant, nous avons entendu dire que le (futur) gouvernement allait devoir se pencher sur le budget des pensions, qu’il ne pourra pas éviter une nouvelle réforme et que le papy-boom en cours allait peser très lourdement sur nos finances publiques.
Et bien voilà, nous y sommes! Les premiers contours de la réforme sont dans l’accord gouvernemental.
Oserais-je dire que le citoyen lambda se moque un peu de la façon dont on va financer sa pension et que, s’il est attentif à ce que la future réforme va entraîner, il n’y comprend pas toujours grand-chose? Comme il n’a pas compris les réformes précédentes.
D’abord, il en a assez, à chaque nouvelle législature, d’entendre le/la nouveau/nouvelle Ministre des Pensions énoncer ses projets de mesures à prendre alors qu’au final, la montagne accouche presque toujours d’une souris. Résultat, la méfiance envers les mécanismes existants est grandissante.
Ce que veut le citoyen, c’est qu’on lui dise combien il va percevoir une fois pensionné et comment il peut faire pour vivre une retraite paisible et libre de tout souci financier.
Or, on est loin du compte. Selon le dernier Observatoire des Pensions commandité par CBC Banque, 55% des Belges non-pensionnés n’ont pas d’idée claire du montant qu’ils percevront à la pension et 61% s’estiment insuffisamment informés. Malgré l’existence de mypension.be dont il faut pourtant reconnaître la qualité.
Résultat, 70% des Belges estiment ne pas suffisamment préparer leur pension.
Et le pire dans tout ça, c’est qu’ils ont raison!
Le Belge moins bien loti que ses voisins?
En Belgique, le taux de remplacement net (le montant de la pension légale nette rapporté au dernier revenu professionnel net en pourcentage) s’élève à 60,9%1, soit un petit peu moins que la moyenne des pays de l’OCDE. Bien loin des Pays-Bas, par exemple, dont le taux de remplacement s’élève à 93,2%, voire de la France (71,9%) mais au-dessus de l’Allemagne, dont le taux de remplacement s’élève à peine à 55,3%.
Ces chiffres ne sont toutefois pas comparables. Prenons l’exemple des Pays-Bas, pays très proche de nous, tant géographiquement que démographiquement. Le taux de remplacement très élevé des Pays-Bas s’explique par la prise en compte des pensions complémentaires du deuxième pilier, versées sous forme de rente (tiens donc!), qui concernent +/- 90% des salariés, dont les fonctionnaires (re-tiens donc!) pour qui le premier pilier (la pension légale de base) est identique aux autres employés.
Ce constat est assez interpellant quand on pense au système belge!
A noter qu’aux Pays-Bas, ce deuxième pilier (encouragé fiscalement) n’est pas accessible aux indépendants, contrairement à la Belgique.
Par contre, il faut aussi noter que les Belges sont plus fréquemment propriétaires de leur logement que les Hollandais (à peu près deux fois plus) qui doivent donc, une fois pensionnés, encore intégrer dans leur budget un loyer, là où beaucoup de Belges ont probablement fini de rembourser leur crédit.
Autrement dit, pour évaluer la capacité du pensionné belge à maintenir son niveau de vie, il faut tenir compte de ce taux de remplacement mais le nuancer.
Les pensions complémentaires, la solution?
Si 90% des salariés hollandais bénéficient d’une pension complémentaire, on est bien loin du compte en Belgique. Et les chiffres sont trompeurs.
Officiellement, environ 4.470.000 Belges sont actuellement affiliés à un plan de pension complémentaire du deuxième pilier. Cela peut sembler positif quand on sait qu’il y a un peu plus de 5.000.000 d’actifs (tous statuts confondus) mais il faut nuancer ce chiffre.
D’abord, notons que le Belge, contrairement au Hollandais, peut choisir de percevoir sa pension complémentaire sous forme de rente ou sous forme de capital (avec, au passage, une taxation incompréhensible pour le citoyen lambda dans les deux cas) mais que 99% d’entre eux choisissent le versement sous forme de capital. Un choix qui n’est pas anodin, nous y reviendrons plus loin.
Ensuite, relevons que le capital moyen versé à la pension s’élève à 36.656 euros2, avec de grandes disparités selon les statuts. Ainsi, le montant moyen versé à la retraite à un dirigeant d’entreprise s’élevait en 2023 à 114.457 euros. Mais, pour un salarié, on est loin du compte. Les salariés affiliés à un plan de pension sectoriel (actuellement environ 2.570.000 personnes) ont ainsi reçu en moyenne en 2023, 4.069 euros. Quant aux salariés affiliés à un plan de pension d’entreprise (2.327.000 personnes)3, c’est un montant moyen de 47.346 euros qu’ils ont perçu.
En regardant les montants moyens perçus par décile, on constate qu’il n’y a guère que les deux derniers déciles qui perçoivent des capitaux réellement significatifs (au-delà de 100.000 euros). Les huit premiers déciles (80% des affiliés) perçoivent moins de 50.000 euros.
Or, si l’on s’attarde sur la rente viagère qu’une personne de 65 ans pourrait obtenir à partir de 50.000 euros, on obtient de 249 à 272 euros4 par mois selon le sexe5. Et encore moins si l’on souhaite que cette rente soit réversible (c’est-à-dire qu’elle continue à être versée, au moins partiellement, au conjoint survivant), ce qui est bien le cas lorsque l’affilié opte, au moment de sa pension, pour la rente plutôt que pour le capital.
Le revenu brut mensuel moyen des plus de 60 ans s’élève à 5.330 euros6 ce qui donne environ 3.200 euros nets par mois. Avec un taux de remplacement de 60,9%, cela donne une pension légale de +/- 1.950 euros soit une perte de revenu de 1.250 euros. Pour 80% des citoyens qui bénéficient d’une pension complémentaire, compte tenu des rentes attendues évoquées, il faudrait donc une pension complémentaire cinq fois plus élevée pour maintenir leur niveau de vie une fois pensionné. CQFD.
Percevoir sa pension complémentaire sous forme de capital plutôt que sous forme de rente?
Si l’on perçoit le capital, il faudra le placer en veillant à ce qu’il comble la perte de revenu pendant suffisamment longtemps. Et là, on est confronté à deux problèmes.
D’abord, la majorité des Belges perçoit un capital trop faible pour combler cette perte. Autrement dit, le Belge n’a pas le choix, il devra accepter l’idée de vivre non seulement sur les revenus de ce capital mais également en épuisant ce capital. Et c’est là qu’intervient le second problème.
En effet, l’Observatoire des pensions CBC le montre chaque année, le Belge sous-estime son espérance de vie une fois qu’il sera pensionné. Plus de 90% d’entre eux pensent qu’elle est de moins de 20 ans. Or, elle les dépasse largement.
Autrement dit, si nous acceptons l’idée d’épuiser notre capital petit-à-petit, nous risquons bien de l’épuiser trop rapidement et de tomber à court. C’est d’ailleurs un des éléments qui plaide pour le versement obligatoire sous forme de rente.
Le versement de la pension complémentaire sous forme de rente est-elle donc la solution?
Non, pas forcément. Mais celui qui choisit le versement sous forme de capital devra bien mesurer l’utilisation qu’il en fera. Chez CBC Banque & Assurance, nous avons développé un outil appelé "Perspectives d’avenir" qui nous permet d’établir un rapport financier pour nos clients. A partir de leur patrimoine et de tous les flux financiers futurs (revenus, dépenses, (dés)investissements, projets,…), nous réalisons une projection de l’évolution de leur patrimoine. Cette projection, qui tient compte de l’inflation, permet notamment d’établir dans quelle mesure le patrimoine financier de nos clients leur permettra de maintenir leur niveau de vie, selon leur standard de dépenses, en fonction de leurs revenus réels et en tenant compte d’un rendement de leur portefeuille basé sur leur profil de risque. Car il ne faudrait pas que le besoin de revenus entraîne une prise de risque en termes de placement.
1 Source: Taux de remplacement nets des pensions | OCDE
2 Source: FSMA - Le deuxième pilier de pension en images
3 Certaines personnes peuvent être affiliées à plusieurs plans de pension, parce qu’elles ont changé une ou plusieurs fois d’employeurs par exemple. La somme des affiliés des plans de pension d’entreprise et sectoriel est donc supérieure au nombre d’affiliés total (soit 4.470.000 personnes) en raison de ces doublons.
4 Sur base d’un rendement de 3%.
5 L’espérance de vie d’une femme de 65 ans étant plus élevée d’environ trois ans, la rente viagère attendue pour un capital identique est plus faible.
6 Source: Salaires mensuels bruts moyens | Statbel