L’hydrogène, une énergie renouvelable en plein développement
Dans son dernier rapport publié hier, 27 octobre, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), écrit que "Pour la première fois, la demande mondiale de chacun des combustibles fossiles présente un pic ou un plateau dans tous les scénarios du World Energy Outlook (WEO), les exportations russes, en particulier, chutant de manière significative à mesure que l'ordre énergétique mondial est remanié". World Energy Outlook 2022 shows the global energy crisis can be a historic turning point towards a cleaner and more secure future - News - IEA. Et l’AIE ajoute “La crise énergétique mondiale déclenchée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie provoque des changements profonds et durables qui ont le potentiel d'accélérer la transition vers un système énergétique plus durable et plus sûr".
Et la prochaine conférence sur les changements climatiques, la COP 27, qui se déroulera à Charm el-Cheikh en Egypte du 7 au 18 novembre prochain va évidemment, plus jamais, mettre en avant cette transition énergétique. D’autant que les engagements pris par les Etats pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre sont "terriblement insuffisants", estime un rapport récent de l'Onu qui s'attend à ce que la température moyenne de la planète par rapport aux niveaux préindustriels augmente sur cette base de 2,8°C en 2100, largement au-dessus des prévisions précédentes… Nationally determined contributions under the Paris Agreement. Synthesis report by the secretariat | UNFCCC.
Dans ce cadre de la promotion des énergies renouvelables classiques comme le solaire ou l’éolien (au détriment des énergies fossiles), l’hydrogène reste encore marginal mais intéresse de plus en plus, non seulement les instances politiques, mais également les sociétés.
Du côté des autorités publiques justement, la Commission Européenne a adopté, coup sur coup, en juillet et septembre 2 PIIEC soit des Projets Importants d’Intérêt Européen Commun. Le 1er regroupait une cinquantaine de projets centrés sur la mobilité, soit l'hydrogène dans les transports, tandis que le 2e PIIEC vise à stimuler l'approvisionnement en énergie renouvelable, à faible émission de carbone, et à permettre le premier déploiement de solutions propres dans différents secteurs industriels. Ce dernier projet a été doté de 5.2 milliards d’euros de fonds publics et 7 milliards d’euros de fonds privés.
Quant à la Belgique, afin d’être neutre en carbone en 2050 et conserver l’activité industrielle dans notre pays, le gouvernement vient d’affirmer vouloir hisser sa politique en matière d’hydrogène vert parmi les priorités de sa stratégie énergétique à long terme. La stratégie fédérale en matière d'hydrogène vise à utiliser l'hydrogène et les molécules renouvelables pour rendre certaines applications climatiquement neutres lorsque l'électrification n'est pas économiquement viable ou techniquement réalisable. Cela concerne principalement les secteurs de l'industrie et du transport de marchandises. Et cette stratégie est composée de 4 piliers pour lesquels diverses mesures concrètes sont identifiées:
- Positionner la Belgique comme une plate-forme d'importation et de transit de molécules renouvelables en Europe
- Renforcer le leadership belge dans les technologies de l'hydrogène
- Établir un marché de l'hydrogène solide
- Investir dans la coopération (Benelux, Europe,…) comme facteur clé de succès
Mais, concrètement, le problème c’est que si les industriels ont besoin de grandes quantités d’hydrogène ET bon marché, l’hydrogène vert, celui qui est propre, est le plus cher…
En effet s’il existe de l’hydrogène à l’état naturel, (dans certains sous-sols et dans des océans), l’exploitation de ce gaz est peu rentable actuellement. Donc l’hydrogène est produit essentiellement selon 3 techniques différentes. D’abord celui produit à partir d’énergies fossiles, non renouvelables (gaz essentiellement, pétrole ou charbon). Le résultat de ce processus est appelé hydrogène gris, en raison des grandes quantités de CO2, de gaz à effet de serre, émis lors de sa production (1 kg d’hydrogène gris à base de gaz génère 11 kg de CO2…). Ensuite il y a l’hydrogène bleu, qui est produit comme de l’hydrogène gris mais dont les émissions de CO2 sont captées, neutralisées. Enfin, il y ce fameux hydrogène vert produit à partir d’électricité renouvelable (le solaire et l’éolien, mais aussi le nucléaire) selon le procédé d’électrolyse de l’eau.
Malheureusement selon les statistiques, près de 96% de la production actuelle d’hydrogène est grise car si cette façon de produire est polluante, elle coûte aussi généralement moins cher… Même si, il y a quelques mois, l’explosion des prix du gaz en Europe, à cause de la guerre en Ukraine, a momentanément rendu l’hydrogène gris plus cher que le vert! Heureusement, l’hydrogène vert, soutenu par les plans climat devrait prendre progressivement le dessus.
Actuellement, l’hydrogène a 2 utilisations principales: d’une part, comme matière de base pour la production d’ammoniac (engrais) et de méthanol ; d’autre part, il est utilisé comme réactif dans les procédés de raffinage du pétrole brut. Les usages qu’il est possible d’en faire sont néanmoins nombreux (industries du verre, du ciment, dans la technologie ou la métallurgie par exemple) et l’hydrogène est aussi prometteur pour décarboner un certain nombre de secteurs et accompagner la transition énergétique.
Comme le carburant propre dont on parle de plus en plus dans le domaine de la mobilité: une pile à combustible alimentée par l’hydrogène produit de l’électricité et le processus chimique rejette de l’eau non polluante. Ainsi plusieurs constructeurs ont développé des voitures ou des camions fonctionnant à l’hydrogène. Et en France, il y a un peu plus d’un an, le train Coradia iLint, premier au monde à être alimenté grâce à l’hydrogène, a été lancé avec succès. Enfin la technologie est aussi testée actuellement dans l’aéronautique.
Mais il faudra encore beaucoup d’efforts pour que les énergies alternatives, et notamment l’hydrogène, supplantent les énergies fossiles. En 2021, la consommation mondiale d’énergie primaire reste encore largement dominée, malheureusement, par les énergies fossiles (soit environ 82% du total pour le pétrole, le charbon et le gaz) même si la part du pétrole notamment ne cesse de diminuer ces dernières années. Et l’hydrogène vert, renouvelable et non polluant, ne représente encore qu’une petite partie de l’énergie consommée. D’ailleurs pour le moment l’hydrogène (majoritairement gris comme on l’a vu ci-dessus) compte pour moins de 2% de la consommation mondiale d’énergie…
Mais différentes études pointent un très fort développement de la filière hydrogène. Ainsi, selon un rapport récent de Mc Kinsey, le nombre de projets relatifs à l'hydrogène ne cesse de croître: 680 propositions de projets à grande échelle d'une valeur de 240 milliards d'USD ont ainsi été présentés. Un bémol toutefois, le déploiement effectif est en retard car seuls environ 10% ont fait actuellement l'objet d'une décision finale d'investissement. Hydrogen-Insights-2022-2.pdf (hydrogencouncil.com). Cette différence entre l’ambition et la réalité du lent développement de l’hydrogène explique probablement pourquoi cette thématique en bourse déçoit jusqu’à présent comme on peut le constater via l’indice suivant qui regroupe 25 sociétés cotées participant à la filière hydrogène:
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