Retour sur les prévisions de notre Chief Economist pour 2023
Il y a un an, notre Chief Economist Bernard Keppenne se prononçait sur 10 prévisions qui allaient marquer notre année 2023 de leur empreinte.
Aujourd’hui, la parole lui revient pour passer chacune d’entre elles en revue et dresser le constat.
Ah la France et ses exceptions!
La première prévision concernait la France et j’avais estimé que "le gouvernement français ne va pas pouvoir continuer de gouverner à coup d’article 49.3 et Macron va dissoudre l’assemblée et provoquer de nouvelles élections". Allant même jusqu’à pronostiquer le résultat puisque je déclarais, "vu le paysage politique français tellement morcelé la droite dans un sursaut s’alliera avec Renaissance pour constituer une alliance et permettre une courte majorité. On aura donc un gouvernement avec des ministres du parti Horizons et des Républicains alliés à ceux de Renaissance".
Mais le gouvernement a bien, enfin bien façon de parler, gouverné à coup d’article 49.3 et ne s’en est d’ailleurs pas privé. Il faut dire qu’en même temps il n’avait pas vraiment le choix s’il voulait faire passer ses textes.
L’inflation, le sujet d’actualité
La deuxième prévision concernait l’inflation, sujet ô combien d’actualité, et je faisais le commentaire suivant "plusieurs facteurs plaident pour une désinflation, c’est-à-dire un recul de l’inflation mais qui demeurera toujours positive. Je peux pointer le très net recul des coûts du transport maritime, une certaine détente dans les chaînes d’approvisionnement, un recul de la demande pour les biens, un ralentissement de l’économie au niveau mondial et une baisse des prix des matières premières. Mais pour autant, la décrue de l’inflation sera nettement plus lente que prévu au départ. Et si je prends le cas de la Belgique, l’inflation devrait revenir graduellement dans le courant de l’année vers les 6%".
J’aurais dû préciser "pour l’inflation sous-jacente", car c’est ce taux qui est le taux de référence, puisqu’il ne tient pas compte de l’énergie. Sur ce point, nous avons en novembre, sur un an, selon les derniers chiffres de Statbel, un taux d’inflation sous-jacente en Belgique à 5.95%.
Et ce recul est bien lié aux facteurs que j’évoquais, et je rajoutais que cette inflation allait rester plus élevée qu’avant la crise Covid et j’estimais que "nous allons retrouver des niveaux d’inflation d’avant la crise de 2008 dans les prochaines années, ce qui est quelque part un retour à la normale". Et je ne change rien à mes propos, la décrue de l’inflation sera lente.
Inflation qui a entrainé la hausse des taux
Compte tenu de cette hausse de l’inflation, j’avais logiquement anticipé, comme troisième prévision, en parlant de la BCE "le taux directeur se situe actuellement à 2.50% et le taux de dépôt à 2.25%. Nous serons à la fin de l’année 2023 à respectivement 3.75% et 3.50%". Et nous sommes aujourd’hui à respectivement 4.50% et 4%.
La guerre en Ukraine toujours en toile de fond
Hélas, ma quatrième prévision s’est révélée tout à fait juste, sans surprise malheureusement, et je reprends l’entièreté de mon propos. "Il faut lire le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli (Grand prix du roman de l’Académie française) pour tenter de cerner la façon dont le pouvoir en Russie fonctionne. Il y a dans ce livre des phrases chocs comme 'la verticale du pouvoir est la seule réponse satisfaisante, l’unique capable de calmer l’angoisse de l’homme exposé à la férocité du monde'. Et pour saisir que Poutine ne lâchera pas et que nous sommes dès lors dans un conflit qui va s’enliser avec une guerre qui ne se terminera pas en 2023".
Et Trump, toujours lui!
Pour 2023 en tout cas, ma cinquième prévision ne s’est pas révélée exacte, même si beaucoup d’éléments ont corroboré mes dires, espérons que cela se réalise en 2024. J’avais en effet annoncé que "face à l’accumulation des ennuis judiciaires et fiscaux, et aussi parce qu’une partie des républicains se démarquent par rapport à ses positions, Trump va annoncer son retrait de la vie politique et dès lors qu’il se retire de la course à la présidence".
Les conséquences du changement climatique
"En 2023, les prix agricoles pourraient baisser, et c’est ma sixième prévision. Et justement parce que la demande sera plus faible, en raison de la récession, des prix élevés de l'énergie et des tensions géopolitiques. Cela ne touchera pas toutes les matières premières agricoles mais les produits sur lesquels les consommateurs peuvent réduire leurs dépenses plus facilement, comme le café, le cacao et le coton".
Bilan, si on observe l’indice de la FAO: les prix agricoles ont bien baissé en 2023, sauf le café et le cacao (voir le graphique) qui ont littéralement flambés à cause, entre autres, des conditions climatiques. Par contre, le prix du coton a reculé.
Le double jeu de la Hongrie
Après la poignée de main de Victor Orban avec Poutine, je ne peux que regretter que ma septième prévision soit restée lettre morte si je puis m’exprimer ainsi. Vu son attitude en 2022, j’avais en effet déjà annoncé "après avoir franchi le pas de bloquer les fonds destinés à la Hongrie, dans le cadre de l’article 7 du traité sur l’Union européenne, la Commission européenne va demander d’aller encore plus loin, à savoir, toujours dans le cadre de cette article 7, la suspension des droits de vote de la Hongrie au Conseil de l’Union européenne - et donc de sa participation à une bonne partie des décisions européennes. Cela sera un vote inédit qui validera cette suspension en statuant à la majorité qualifiée (soit 55% des États membres représentant au moins 65% de la population de l’UE)".
Dommage que les Européens n’ont pas eu la volonté de mettre un terme aux dérives d’Orban et de défendre plus ardemment nos valeurs.
Nos amis ne sont pas toujours nos amis
J’évoquais, il y a un an, le fameux plan de Biden intitulé Inflation Reduction Act. Et j’avais alors prévu que "pour répondre à ce plan, c’est ma huitième prévision, la Commission européenne va proposer un plan identique dans les principes, un Buy european act, pour soutenir nos industries et privilégier ces dernières. Comme pour le NextGenerationEU, ce plan de 150 milliards d’euros sera financé par la Commission et servira à assurer notre indépendance dans des secteurs clefs comme les batteries électriques".
Et j’avais précisé, "c’est peut-être plus un vœu qu’une prévision c’est vrai… mais c’est clairement une nécessité pour ne pas se laisser distancer et ne pas laisser les Américains prendre le leadership une nouvelle fois".
Force est de constater que c’est resté un vœu, même si l’Europe a abandonné une partie de sa naïveté, mais sans pour autant mener des investissements aussi conséquents que les Américains.
Rebond des bourses
J’avais en effet prédit "je table sur un rebond des marchés boursiers en Europe avec comme référence une progression entre 5 et 7% pour l’Eurostoxx 50".
Et ce rebond est même largement supérieur, puisque nous sommes à quelques jours de la fin de l’année à 19.28%.
Le retour de David Cameron
Non, je n’avais pas prévu son retour, mais ma dernière prévision concernait la Grande-Bretagne et j’avais tablé sur le fait que "la conjonction du Brexit et du ralentissement de l’économie mondiale va précipiter ce pays dans la stagflation, à savoir une croissance négative et une inflation qui va rester très élevée. Le PIB devrait reculer de 1% en 2023 et l’inflation ne devrait revenir qu’autour des 7%".
A l’heure d’écrire ces lignes, l’inflation sous-jacente en Grande-Bretagne, publiée le 20 décembre 2023, est à 5.1%, et l’économie devrait échapper à la récession avec une croissance attendue de 0.4%, un peu moins mauvais que prévu.