"Olympic Kate renforce la seule banque américaine en Europe" Johan Thijs, CEO KBC Groupe
Nous comptons les jours qui nous séparent du retour à la vie normale, avec des résultats d'entreprises plus normaux et un accent encore plus marqué sur l'innovation et la digitalisation, plutôt que sur la pandémie. En raison de la Covid-19, KBC a accordé des reports de paiement pour plus de 13 milliards d'euros au niveau du groupe, mais son CEO, Johan Thijs, se montre confiant pour l'avenir. "Olympic Kate", qui, grâce entre autres à l'intelligence artificielle, devrait pouvoir proposer des solutions sur mesure à tous les clients de KBC, y occupera un rôle central.
Les résultats 2020 sont bons, mais KBC a malgré tout constitué une provision importante pour les crédits aux entreprises. KBC a en outre accordé des reports de paiement pour plus de 13 milliards d'euros au niveau du groupe. Quel est l'impact de la Covid-19?
À ce jour, KBC a effectivement octroyé un report de paiement pour 9 des crédits d'exploitation en cours. Comme nous sommes très solidement capitalisés, nous avons pu constituer des provisions pour ces crédits pour un total de 1,1 milliard d'euros pour 2020. N'ayant pas été entamées en 2020, ces provisions sont reportées à 2021. Elles devraient suffire pour amortir les chocs en 2021, notamment dans les secteurs les plus touchés, tels que le secteur événementiel et l'horeca, également mis à mal par les confinements. KBC assumera son rôle et se tient prête à injecter des liquidités, tandis que les autorités et l'actionnaire peuvent fournir du semi-capital et du capital. Bien entendu, l'impact de la crise est aujourd'hui partiellement déterminé par la vitesse à laquelle la campagne de vaccination des autorités permettra d'atteindre l'immunité collective. Plus tôt nous y parviendrons, plus vite l'économie pourra se redresser et plus faible sera l'impact sociétal.
Comment KBC se compare-t-elle au reste du secteur en termes de valorisation?
Nous bénéficions d'une position de liquidité très solide et d'une très grande force de capital intrinsèque. L'évolution du ratio cours/valeur comptable en est la meilleure illustration. KBC fait figure d'exception dans le groupe des institutions financières. Nous affichons un ratio de 1,3x la valeur comptable, contre 0,5x à 0,6x pour la plupart des autres banques européennes. Les investisseurs et les analystes ne peuvent que constater que nous sommes une banque solide, très liquide, saine et rentable. Mais en raison de cette valorisation supérieure à la moyenne, nous sommes 'priced for perfection'. Le moindre doute à l'égard des prévisions ou du marché en général attise donc assez rapidement la volatilité.
Pourquoi les banques européennes affichent-elles une valorisation aussi faible par rapport à leurs consœurs américaines?
Les banques européennes doivent faire face au spectre des taux d'intérêt négatifs, ce qui n'est pas le cas des banques américaines. Cela s'explique aussi par la particularité européenne. Nous sommes soumis à une réglementation beaucoup plus spécifique et la BCE a en outre contraint le secteur à constituer des réserves supplémentaires en supprimant les dividendes. En revanche, après la crise financière, les banques américaines ont d'elles-mêmes revu leur copie et assaini leurs bilans. Après cette grande opération de nettoyage, les grandes institutions se sont encore tournées davantage vers la banque d'investissement. De son côté, KBC a réduit son bilan de 40% depuis la crise et a largement diversifié ses revenus aux produits d'investissement et aux assurances, ce qui a amené le Financial Times à nous qualifier de 'banque américaine en Europe'.
Dans le contexte de la Covid-19 et du bas niveau des taux, KBC continue d'investir dans des initiatives digitales, à l'instar des big tech américaines. Cette stratégie ne va-t-elle pas peser encore davantage sur le rendement?
Ne rien faire pèserait certainement sur le rendement futur. Nous avons déjà dépensé un milliard et demi d'euros au cours des quatre dernières années et nous nous classons aujourd'hui dans le top absolu des banques européennes en matière de digitalisation. Cette position devrait attirer de nouveaux clients, mais surtout des clients satisfaits. Le rendement de ces investissements dans les initiatives digitales se ressent d'ailleurs d'ores et déjà dans l'efficacité et l'accroissement de la clientèle. Aujourd'hui, KBC enregistre déjà une amélioration de sa productivité de 1% à côté de l'inflation. Pour étendre ce succès, nous allons investir 1,4 milliard d'euros supplémentaires au cours des trois prochaines années.
C'est là que Kate, KBC Assistant to Ease Your Life, entre en scène. Félicitations!

Merci. Nous avons lancé Kate en novembre en Belgique et en République tchèque. Nous rejoignons ainsi les rangs des assistants virtuels intelligents, tels qu'Alexa (Amazon), Google Home et Siri. Ces robots vont beaucoup plus loin que Kate, qui travaille de manière plus ciblée en lien, essentiellement, avec les transactions financières. L'intelligence artificielle existe depuis un certain temps dans le monde financier. Les robots d'investissement utilisent déjà des algorithmes, mais Kate a une vision plus large. Kate entend être un assistant IA qui vous fait des suggestions relatives à votre portefeuille d'investissement, vous propose un fournisseur d'énergie, organise votre admission à l'hôpital avec votre assureur, etc. Kate est une plateforme de services avec un lien financier, dont les services bancaires sont l'un des modules.
Le choix du nom a-t-il été difficile?
Il a été assez facile, sans groupes de travail ni comités. Kate est un nom international très reconnaissable. Le trouver a en tout cas été beaucoup plus rapide que développer le concept, sur lequel nous travaillons depuis des années. Kate est bien plus que l'assistant téléphonique de l'app KBC/CBC Mobile, tel que les clients le connaissent encore aujourd'hui. Kate est un vaste concept piloté par les données, qui permet au client de gagner du temps et de l'argent. KBC a opté pour un modèle hybride, une combinaison de l'humain et du numérique. Nous visons il est vrai l'environnement le plus exigeant, à savoir le numérique: notre credo est donc le 'digital first', mais pas le 'digital only'. C'est le client qui décide.
Les clients peuvent donc encore s'adresser à de vraies personnes?
Nous aurons toujours des collaborateurs disponibles pour traiter directement avec le client. À l'avenir, nous souhaitons surtout pouvoir proposer aux clients d'autres solutions, sur mesure: pour certains, les investissements peuvent être traités de manière parfaitement digitale, et pour d'autres, nous prévoirons un rendez-vous. Mais pouvoir proposer une expérience aussi unique et individuelle aux 3,6 millions de clients KBC nécessite en arrière-plan beaucoup de technologie et d'expérience. Et de temps, car soyons clairs, si aujourd'hui notre 'baby Kate' a encore des compétences limitées, d'ici deux ans, 'Olympic Kate' remportera le 100 mètres.
À quoi ressemble cet Olympic Kate?
Nous lançons au moins 2 nouvelles applications Kate par mois pour nos clients et nous compterons environ 30 situations pratiques d'ici la fin mars. Kate améliore sa connaissance de chaque client au fil des utilisations grâce à des algorithmes d'auto-apprentissage. Kate parvient ainsi rapidement à des solutions toutes prêtes et uniques, avant même que le client n'y ait pensé. Pas d'uniformité, mais une réponse individualisée sur mesure. Et si le client ne saisit pas ces solutions, le réseau KBC peut le faire pour lui, tantôt par téléphone, tantôt en face à face. Et cela s'applique certainement à nos clients Private Banking & Wealth, qui peuvent continuer à s'adresser à leur personne de confiance personnelle. De plus en plus, celle-ci peut s'appuyer sur nos solutions digitales, ce qui lui permet également d'intervenir plus rapidement.
La stratégie de KBC prévoit-elle d'autonomiser Kate un jour?
Je pense qu'à l'avenir, le concept de Kate pourrait aller au-delà de KBC/CBC Mobile, qui l'héberge encore actuellement. La plupart de nos investissements sont en effet consacrés à des éléments intangibles pour les clients, tels que la simplification et l'automatisation des processus. Le client sera guidé dans son choix de l'offre de services la plus simple possible. Si nous parvenons à créer des assistants virtuels capables de répondre de manière active et proactive à tous les besoins des clients, ces derniers n'auront même plus à réfléchir aux choix possibles. Cette stratégie doit intrinsèquement améliorer l'expérience client et cela ne peut être autonomisé. Certains cas spécifiques le permettent cependant. Prenez par exemple l'aperçu immobilier dans KBC/CBC Mobile et KBC/CBC Touch, que nous avons développé exclusivement pour les clients Private Banking & Wealth, l'aperçu de portefeuille dans KBC/CBC Mobile et Estate Planning. À terme, Kate pourra y jouer un rôle.
Kate dispose-t-il de suffisamment de données pour justifier l'ampleur de sa mise en œuvre et les coûts d'investissement dans l'intelligence artificielle?
'Data is the new electricity'. Et comme dans le cas de l'électricité, les applications sont colossales. Mais à mon grand étonnement, l'IA n'est pas encore largement utilisée en Europe. Heureusement, ce n'est pas la quantité de données qui compte, mais la manière dont vous les utilisez. C'est pourquoi le concept de Kate revêt une si grande importance. Nous voulons servir le client dans les applications bancaires et d'assurance, mais pas seulement. La taille de KBC est suffisante pour former le modèle, mais nous devons chercher en dehors de nos frontières des personnes capables de développer l'infrastructure IA qui sous-tend Kate. Sur les 46 employés actifs dans l'IA pour KBC en Belgique, seuls 13 sont belges.
Notre stratégie de données digitales peut-elle rivaliser avec Google et Facebook?
Google et Facebook excellent dans tout ce qui touche aux consommateurs, à l'analyse des données et aux préférences des clients, tandis que les banques ont une vue sur les transactions de leurs clients. La directive européenne PSD21 leur donne cependant également une vue sur les données financières de nos clients, ce qui leur offre un avantage concurrentiel sur les institutions financières européennes. Nous connaissons le comportement des consommateurs, mais pas l'analyse des consommateurs. Les conditions d'une concurrence équitable ('level playing field') ne sont donc pas réunies actuellement. Pour parvenir à l'équilibre, une PSD2 inversée pour les acteurs digitaux devrait également voir le jour, afin que nos clients puissent nous donner accès à leurs données Google ou Facebook.
Dans quelle mesure l'endettement peut-il constituer un risque pour les clients de KBC?
Nous savons qu'une grande partie de la dette s'est accumulée au niveau des autorités en raison des interventions liées à la Covid-19 et qu'il faudra y remédier. Il est clair que la solution à la situation actuelle du financement public ne peut être supportée par une petite partie de la population, par exemple les plus fortunés, mais qu'elle nécessitera une assise beaucoup plus large. Il est important que les règles au niveau européen soient les mêmes pour tous, car un 'level playing field' s'impose là aussi. Le patrimoine est liquide, surtout lorsqu'il s'agit des grosses fortunes.
Les économistes défenseurs du modèle de la Modern Monetary Theory2 estiment que le niveau d'endettement est subordonné à la capacité de remboursement des intérêts.
Je suis de ceux qui ne pensent pas que les nouvelles dettes seront amorties par une croissance économique plus forte et que leur accumulation peut donc être illimitée, compte tenu de la faiblesse des taux d'intérêt. Ces dettes devront être remboursées dans une certaine mesure. Cela peut se faire par la croissance ou l'inflation, mais aussi par la compression des coûts. Un contrôle budgétaire strict est clairement nécessaire au niveau des autorités pour éviter l'implosion. La génération actuelle emprunte aujourd'hui à la génération future. Là aussi, les ratios doivent être corrects et tenables, afin que demain la génération future ne maudisse pas la génération actuelle.
Que pensez-vous des monnaies digitales, telles que le Bitcoin?
On peut dire beaucoup de choses sur le Bitcoin. Que l'on soit pour ou contre, il est un 'game changer' car il met les monnaies digitales sous les projecteurs. Tôt ou tard, les banques centrales vont devoir réagir. Elles pourront le faire avec des stablecoins et avec leurs propres monnaies digitales ('Central Bank Digital Currency'). Tôt ou tard, une percée fera des monnaies digitales le moteur de l'économie, que ce soit ou non dans un système s'articulant autour des banques centrales. La question ultime est de savoir quel rôle joueront les banques commerciales ou centrales. Un système monétaire digital parallèle, tel que le Bitcoin ou la Libra tentent de le créer, me semble en tout cas exclu pour construire une économie. Nous pouvons donc nous attendre à une réglementation dans ce domaine. Les banques traditionnelles devront donc à nouveau s'adapter. Ce qui nous amène à Darwin. La seule certitude est que ce n'est pas notre taille ou notre force qui détermine notre survie, mais plutôt notre capacité à nous adapter en permanence. Et Kate devrait certainement nous y aider.
Peut-être un dernier message?
Il est manifeste que la digitalisation et Kate en particulier occupent une place grandissante dans nos services. Nous prenons des décisions aujourd'hui pour demain. Mais je voudrais surtout remercier explicitement tous nos clients et nos parties prenantes pour la confiance et la compréhension qu'ils continuent de nous accorder en cette période particulière. En outre, je tiens à exprimer ma grande reconnaissance envers l'ensemble de nos collaborateurs, qui, depuis leur domicile ou ailleurs, continuent à servir nos clients et à soutenir le fonctionnement de notre groupe. KBC Private Banking a reçu pour la cinquième fois le prix ' Best Private Bank Belgium' du Financial Times pour son engagement dans l'innovation technologique et l'excellence de sa gestion des relations et le mois dernier est venu s'y ajouter le septième prix 'Best Private Bank Belgium' d'Euromoney. Nous pouvons en être fiers.
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1. La PSD2 (Payment Services Directive 2) poursuit le même objectif que la PSD1: créer un cadre juridique unique pour des paiements plus simples, plus sûrs et plus efficaces en Europe. Plus d'informations sur www.kbc.be/particuliers/fr/psd2.
2. Selon la Modern Money Theory (théorie monétaire moderne), les dépenses publiques constituent dans le système monétaire moderne la forme primaire de la création monétaire: l'État souverain crée un moyen de paiement légal sans valeur intrinsèque. Il l'utilise pour payer ses dépenses, percevoir des taxes et des amendes qui créent une demande pour ce moyen de paiement, lui donnant ainsi de la valeur. Il n'y a en principe aucune limite à cette création monétaire, à l'exception du fait qu'elle peut provoquer de l'inflation.