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Frédéric Panier (AKT) et Nicolas Charlier (CBC)

Un potentiel à libérer

Frédéric Panier (AKT) et Nicolas Charlier (CBC) croisent leurs regards sur l’économie wallonne. D’une même voix, ils appellent à lever les freins à l’ambition.

“Un rollercoaster.” C’est en ces termes et avec un grand sourire que Frédéric Panier résume sa première année aux commandes d’AKT for Wallonia. À l’entendre, le job requiert une bonne dose d’énergie mais est aussi source de “grand bonheur”. Et si son parcours l’avait rompu aux questions d’emploi et de politiques publiques, il avoue avoir découvert un écosystème entrepreneurial wallon plus étoffé qu’il ne l’avait pensé. “On sous-estime trop souvent la richesse de l’économie wallonne. Il faut bien plus que quelques mois pour en faire le tour!” À quelques semaines près, cela fait aussi un an que Nicolas Charlier a repris la direction générale du marché des Professionnels et Entreprises au sein de CBC. La banque finance les entreprises wallonnes à concurrence de plus de 1 milliard d’euros de crédits à long terme par an.Interview croisée de deux acteurs convaincus du potentiel économique de la Wallonie, et fervents supporters de ses entreprises.

Emploi, transition écologique, gouvernance et dette publique, développement industriel: lequel de ces sujets est le plus pressant à vos yeux?

Frédéric Panier: “La Wallonie ne peut plus se permettre de choisir entre ces urgences. C’est son grand défi: pour avoir trop attendu, elle doit s’attaquer à tous ces dossiers de front. Cela dit, le problème principal demeure à mes yeux un taux d’emploi trop bas, qui se double paradoxalement d’une pénurie de talents généralisée à tous les secteurs. Les politiques régionales de l’emploi, la formation qualifiante et l’enseignement sont donc la priorité des priorités. Résoudre ce problème offrira à la fois aux entreprises de se développer et aux finances publiques de se reconstituer. C’est la clé de voûte, selon moi.”

Nicolas Charlier: “Même si cela peut paraître étonnant pour une banque, nous discutons beaucoup de tous ces sujets avec les dirigeants d’entreprise. Les questions de gouvernance, de durabilité et d’emploi reviennent fréquemment. Les défis d’attraction et de rétention des talents sont en haut de la liste, et nous pouvons épauler les entreprises dans ces domaines, notamment pour l’optimisation des packages de rémunération de leurs employés.”

Investir dans la durabilité est une condition sine qua non de pérennité, nous en restons convaincus.

Nicolas Charlier, directeur général du marché des Professionnels et Entreprises chez CBC

Les banques ne devraient-elles pas endosser un rôle strictement financier?

F.P.: “Les entrepreneurs wallons ont besoin de partenaires qui comprennent toute la diversité et la complexité de leurs défis et qui les accompagnent de façon globale. Il s’agit d’être à leurs côtés dans les bons moments, mais aussi quand la situation est plus compliquée. Le secteur bancaire est bien placé pour remplir cette mission, car la lecture d’un bilan est une porte d’entrée qui permet de révéler à la fois les problèmes potentiels et les opportunités.”

N.C.: “De fait, l’important est pour nous d’aider les dirigeants à sortir la tête du guidon et d’élaborer avec eux des solutions qui assurent la pérennité de leur entreprise. Cela va bien au-delà de questions de financement ou de taux.”

Les entrepreneurs wallons ont besoin de partenaires qui comprennent toute la diversité et la complexité de leurs défis. Le secteur bancaire est bien placé pour remplir cette mission.

Frédéric Panier, CEO d’AKT for Wallonie

Comment l’entrepreneuriat est-il perçu aujourd’hui en Wallonie?

F.P.: “La disparition de pans historiques de notre industrie a, pendant des décennies, réduit l’image de l’entreprise à celle des licenciements. Mais les choses vont mieux. Une vision plus positive de l’entrepreneuriat s’impose, en particulier auprès des plus jeunes générations. On reconnaît de plus en plus les entreprises pour leur contribution au progrès social, et pas uniquement comme une source de richesse et un levier de développement économique. Toutefois, il reste du pain sur la planche, car ce changement passe par une véritable révolution culturelle. Le chemin vers le redressement de la Wallonie est toujours immense.”

Frédéric Panier (AKT) et Nicolas Charlier (CBC)

N.C.: “Je ressens aussi un regain de volonté d’entreprendre et de créer de la valeur. Mais attention, il ne faudrait pas que cet élan positif soit brisé par des frustrations, notamment liées à des lenteurs administratives persistantes.

”F.P.: “Je confirme. Ce dont les entreprises ont d’abord besoin, ce n’est pas d’aides, mais bien qu’on leur retire les freins à l’envie d’investir.”

Quel regard portez-vous sur l’écosystème wallon d’appui financier au développement des entreprises?

F.P.: “Beaucoup d’argent public a été investi pour reconstituer un tissu économique, et à raison. J’entends de bonnes choses sur l’accompagnement de Wallonie Entreprendre et de l’Awex, parmi d’autres. Je ne crois pas que l’accès au financement soit un élément de blocage, si ce n’est une faiblesse au niveau du capital à risque. Mais afin de faire évoluer le modèle wallon vers davantage de performance, je crois qu’il faut aussi confier une plus grande part de l’accompagnement à ceux qui sont réellement des acteurs de l’entrepreneuriat. AKT et les chambres de commerce ont ici un rôle évident à jouer.”

N.C.: “Tous les acteurs doivent pousser dans le même sens, mais chacun avec ses spécificités. Avec Start it @CBC, dont une troisième antenne wallonne a ouvert ses portes voici quelques semaines, nous disposons de notre propre incubateur pour jeunes pousses. Mais nous voulons travailler encore plus étroitement avec les parties prenantes que sont notamment AKT et les invests, afin de faire évoluer positivement l’économie wallonne.”

Les entreprises wallonnes tirent-elles suffisamment profit du dynamisme des régions avoisinantes?

F.P.: “Certainement pas. Avec plusieurs partenaires, AKT souhaite organiser en 2026 ou 2027 des missions commerciales en Flandre, à l’instar de ce qui se fait avec les missions princières pour le grand export. Trop longtemps, nos deux économies ont évolué en parallèle, voire en compétition, plutôt qu’en partenariat. Je me réjouis d’ailleurs d’entendre Frank Beckx, le nouveau patron du Voka, appeler à des collaborations renforcées entre les entreprises de nos deux régions. Que ce soit en matière de mobilité des travailleurs, d’espaces disponibles ou d’autres sujets, il y a certainement matière à agir ensemble.”

N.C.: “Vu notre adossement à KBC, cela nous parle forcément. Quel que soit le type de dossier, la demande d’une entreprise wallonne est traitée par notre centre Corporate de la même façon que si elle émanait d’Anvers ou de Gand. Elle est tout autant challengée, bien sûr, mais elle bénéficie aussi du même intérêt et des mêmes moyens pour aboutir. Et depuis plusieurs mois, je sens monter l’enthousiasme de nos collègues du Nord du pays, qui me disent voir de plus en plus de beaux dossiers wallons.”

Les questions de durabilité sont en recul sur l’agenda politique. Les entreprises doivent-elles prendre le lead?

F.P.: “C’est déjà le cas! À l’encontre de certaines idées reçues, je vois des plans de durabilité dans toutes les entreprises que je rencontre, à tout le moins celles d’une certaine taille. Là où le bât blesse, c’est au niveau de l’action publique:  ces dernières années, on a peut-être trop abordé le problème sous l’angle réglementaire, sans faire suffisamment attention à la compétitivité. C’est pour cela que nous demandons aujourd’hui d’accélérer la mise en place d’un cadre qui permette de continuer à avancer sans détruire l’activité économique. La réconciliation de ces deux dimensions représente à mes yeux le grand débat des 24 prochains mois. Par exemple, souvent, décarboner implique d’électriser. Mais comment ne pas fragiliser son activité quand on est face à des prix de l’électricité énormes par rapport aux autres pays, et à des délais de raccordement au réseau interminables?.”

N.C.: “Les PME sont sans doute moins avancées. Les dirigeants sont parfois confrontés à des signaux contradictoires, entre des factures de distribution qui gonflent et des prix négatifs pour celles qui investissent dans des panneaux solaires. Là encore, nos experts dédiés les aident à lever la tête du guidon et à élaborer des plans de transition sur le long terme. Car investir dans la durabilité est une condition sine qua non de pérennité, nous en restons convaincus.”

CBC revendique un ancrage résolument wallon. Comment cela se matérialise-t-il?

D’abord dans la liberté opérationnelle dont nous jouissons vis-à-vis de KBC. Pure Online, la banque à distance et 100% en ligne, est par exemple une solution que nous sommes les seuls à avoir développée au sein du groupe. Et nous sommes l’une des rares banques à afficher un ratio de prêts sur dépôts de plus de 100%. L’ensemble des montants que nous récoltons chez les épargnants est ainsi réinvesti dans l’économie wallonne.

Investir dans la durabilité est une condition sine qua non de pérennité, nous en restons convaincus.

Nicolas Charlier, directeur général du marché des Professionnels et Entreprises chez CBC Banque

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